25

 

 

Syralana regarda avec une certaine appréhension la femme de haute taille qui tenait les deux chevaux par le licou. La Première le remarqua.

— Nous pourrons continuer les présentations plus tard, si cela ne te dérange pas, déclara-t-elle. Tu as dit que ton compagnon est l’Homme Qui Commande la Troisième Caverne ?

— Oui, c’est exact.

— Nous sommes venus aussi vous demander votre aide, bien que ce soit aussi une aubaine pour vous, dit Celle Qui Était la Première.

Un homme s’avança au côté de Syralana.

— Voici mon compagnon, annonça celle-ci. Demoryn, l’Homme Qui Commande la Troisième Caverne des Zelandonii du Sud Gardiens du Site Sacré le Plus Ancien, je te prie de saluer la Première parmi Ceux Qui Servent la Grande Mère.

— Zelandoni la Première, notre Caverne a le plaisir de t’accueillir, toi et tes amis, dit-il.

— Permets-moi de te présenter notre Maître du Troc. Willamar, je te prie de saluer Demoryn, l’Homme Qui Commande la Troisième Caverne des Zelandonii du Sud.

— Je te salue, Demoryn, commença Willamar, les deux mains tendues.

Ils en terminèrent avec les salutations rituelles et Willamar poursuivit :

— Nous nous sommes arrêtés juste avant d’arriver ici pour chasser, nous réapprovisionner et vous offrir de la viande.

Le chef et d’autres eurent un hochement de tête approbateur. Eux-mêmes auraient fait de même.

— Nous avons trouvé un troupeau de bisons, nos chasseurs ont eu une chance exceptionnelle et nous voilà avec un embarras de richesses. Nous avons abattu neuf bisons or nous ne sommes que seize, dont quatre enfants. C’est trop pour nous et, de toute façon, même avec l’aide des chevaux, nous ne pouvons transporter une telle quantité de viande, mais nous ne voulons pas gaspiller les cadeaux de la Terre Mère. Si vous pouvez envoyer des gens nous aider à acheminer la viande ici, nous aimerions la partager avec vous. Nous en avons une partie avec nous, d’autres surveillent le reste.

— Nous allons vous aider, bien entendu, et nous nous ferons un plaisir de partager votre bonne fortune, dit Demoryn avant de regarder Willamar de près, particulièrement le tatouage au milieu de son front. Maître du Troc, tu es déjà venu ici, je crois.

Willamar sourit.

— Pas précisément à votre Caverne, mais dans cette région, oui. La Première emmène son acolyte, celle qui se fait obéir des chevaux, faire son Périple de Doniate. Elle est unie au fils de ma compagne. Il est resté au camp pour garder la viande avec quelques autres. Amelana a eu de la chance que nous ayons projeté cette tournée avant qu’elle nous ait demandé de nous accompagner. Elle avait hâte de rentrer chez elle et voulait avoir son bébé ici, près de sa mère.

— Nous sommes contents qu’elle soit de retour parmi nous. Sa mère a été très triste quand elle est partie, mais elle était si décidée que nous n’avons pu lui opposer un refus. Je suis désolé que son compagnon voyage maintenant dans le Monde d’Après. Cela n’a pas dû être facile pour sa mère et sa famille, mais je ne suis pas désolé du retour d’Amelana. Après son départ, je ne pensais pas la revoir un jour et peut-être ne sera-t-elle pas aussi empressée de partir, la prochaine fois.

— Je crois que tu as raison, dit Willamar avec un sourire entendu.

— Je présume que vous allez vous rendre à la Première Caverne assister à la réunion des Zelandonia, dit le chef.

— Je n’ai pas entendu parler de cette réunion, répondit Willamar.

— Je supposais que c’était la raison de la venue de la Première.

— Je l’ignore, mais je ne sais pas tout ce que sait la Première.

Tous deux se tournèrent vers l’imposante femme.

— Savais-tu qu’il y avait une réunion des Zelandonia ? lui demanda Willamar.

— J’ai hâte d’y assister, répondit-elle avec un sourire énigmatique.

Willamar se contenta de secouer la tête. Qui pouvait vraiment connaître une Zelandoni ?

— Demoryn, si tu peux demander qu’on nous aide à décharger la viande que nous avons apportée et qu’on nous accompagne pour ramener ce qui reste, nos autres compagnons pourront venir aussi vous rendre visite.

Tout en aidant la Zelandoni à décharger ses effets personnels, Ayla lui demanda :

— Savais-tu qu’une réunion de Zelandonia devait avoir lieu près d’ici ?

— Je n’en étais pas certaine, mais de telles réunions ont généralement lieu à intervalles de quelques années et je pensais qu’il pouvait s’agir de l’une d’entre elles. Je n’ai pas voulu en parler parce que je ne tenais pas à donner de vaines espérances.

— Il semble que tu aies vu juste.

— Les chevaux inquiètent apparemment la mère d’Amelana, c’est pourquoi je ne t’ai pas encore présentée, se justifia la Première.

— Si les chevaux l’inquiètent, que va-t-elle penser de Loup ? Nous nous occuperons des présentations plus tard. Je vais dételer les perches de Whinney et retourner là-bas avec elle et Grise. Nous pourrons lui en fabriquer d’autres pour faciliter le transport de la viande. Il en reste tant. J’avais oublié combien un bison est gros. Peut-être pourrons-nous en apporter à la réunion des Zelandonia.

— Bonne idée. Je peux me déplacer sur les perches tirées par Whinney, Rapide et Grise transporteront de la viande sur les leurs, dit Zelandoni.

Ayla sourit par-devers elle. Le fait d’arriver sur un travois tiré par un cheval faisait toujours sensation et la Première aimait réussir ses entrées. Tout le monde semblait penser qu’il y avait là quelque magie. Qu’y avait-il de si étonnant ? Pourquoi les gens ne comprenaient-ils pas qu’ils pouvaient se lier d’amitié avec un cheval ? Surtout après avoir vu monter non seulement Jondalar et elle, mais aussi Jonayla. Il n’y avait là-dedans aucune magie. Il fallait de la détermination, des efforts et de la patience, mais pas de magie.

Ayla sauta sur le dos de Whinney, suscitant d’autres expressions de surprise. Elle n’était pas arrivée à cheval mais en menant sa monture par la longe. Tivonan et Palidar allaient repartir à pied avec les renforts de la Caverne, mais elle y serait beaucoup plus vite en y allant à cheval et commencerait aussitôt à fabriquer un travois.

— Où sont les autres ? s’enquit Jondalar quand elle arriva au campement.

— Ils arrivent. Je suis venue en avant préparer d’autres perches à tirer pour Whinney afin de faciliter le transport de la viande. Nous allons en apporter à l’autre Caverne, celle des Zelandonii Gardiens du Site Sacré le Plus Ancien. Amelana est de la Troisième Caverne du Sud, mais nous allons à la Première. Il s’y tient une réunion des Zelandonia et la Première le savait ! Ou du moins pensait-elle qu’il y en avait une. C’est incroyable tout ce qu’elle sait. Où est Jonayla ?

— Beladora et Levela la surveillent en même temps que leurs enfants. Cette viande a attiré tous les carnivores sur pattes ou ailés de la région et nous avons cru bon de garder les petits dans une tente, hors de vue. Protéger notre tableau de chasse nous mobilise tous, répondit Jondalar.

— Tu as tué les chapardeurs ?

— J’ai seulement essayé de les mettre en fuite en poussant des cris et en leur lançant des pierres.

Une bande de hyènes apparut au même instant, attirée par l’odeur de viande, et se dirigea droit sur les carcasses de bison. Sans y réfléchir à deux fois, Ayla détacha la fronde de sa tête, prit deux galets dans son petit sac et d’un mouvement fluide lança une première pierre à l’animal de tête. Un deuxième galet ne tarda pas à suivre. La première hyène était terrassée quand la seconde poussa un glapissement qui s’acheva en une sorte de ricanement. Les bandes de hyènes sont toujours menées par une femelle, mais toutes les femelles ont de pseudo-organes mâles et sont généralement plus grosses que les mâles. Sans leur meneuse, les hyènes cessèrent d’avancer et se mirent à courir en tous sens en grondant et en poussant leur hurlement pareil à un rire. Ayla arma son lance-sagaie et s’avança vers la meute indécise. Jondalar bondit devant elle.

— Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-il.

— Je vais chasser ces satanées hyènes, répondit-elle sur un ton de mépris avec une expression de dégoût.

— Je sais que tu détestes les hyènes, mais tu n’as pas à tuer toutes celles que tu vois. Ce sont des animaux comme les autres et elles ont leur place parmi les enfants de la Mère. Si nous tirons l’animal de tête à l’écart, les autres suivront probablement.

Ayla s’arrêta, le regarda et se détendit.

— Tu as raison, Jondalar. Ce ne sont que des animaux.

Leurs lance-sagaies armés, Jondalar prit une patte arrière de la bête abattue, Ayla l’autre, et ils se mirent à tirer. Elle remarqua que la hyène était encore en train d’allaiter, mais elle savait que les hyènes allaitent souvent pendant un an, au point que les petits ont presque atteint la taille adulte et que seule la couleur du pelage, plus foncée, permet de les différencier de leurs aînés. La meute suivait en reniflant, grognant et ricanant ; l’autre hyène qu’elle avait touchée boitait bas. Ils abandonnèrent le cadavre loin du campement et, en rebroussant chemin, remarquèrent que d’autres carnivores les avaient suivis.

— Très bien ! dit Ayla. Cela va peut-être en tenir certains à distance. Je vais me laver les mains. Ces animaux sentent mauvais.

La plupart du temps, les parents et amis zelandonii d’Ayla la considéraient comme une femme et une mère ordinaire et ne remarquaient même pas son accent, cependant, quand elle faisait quelque chose d’inhabituel, comme de prendre à parti une bande de hyènes et de tuer presque machinalement l’animal de tête avec sa fronde, ils prenaient soudain conscience de ce qui les différenciait. Elle n’était pas née zelandonii, son éducation avait été tout autre que la leur et sa manière inhabituelle de parler devenait perceptible.

— Nous devons couper quelques petits arbres pour fabriquer de nouvelles perches, comme l’a suggéré Zelandoni. Elle n’a pas envie d’avoir de la viande sanglante sur les siennes. Elle considère qu’elles lui appartiennent en propre, dit Ayla.

— C’est le cas. Personne d’autre ne songerait à s’en servir, confirma Jondalar.

 

 

Il fallut faire deux voyages pour emporter tout le produit de leur chasse, la plupart des carcasses traînées par les cornes et poussées par les membres de la Caverne voisine. Lorsque le camp fut levé, le soleil descendait vers l’horizon et blasonnait le ciel d’orange et de rouge. Les voyageurs prirent la viande qu’ils gardaient pour eux et se dirigèrent vers la Caverne. Ayla et Jondalar s’attardèrent un peu – à cheval, ils pourraient rattraper les autres facilement. Ils firent une dernière fois le tour du campement abandonné pour voir si personne n’avait rien oublié d’important.

Les traces de leur séjour étaient évidentes. Les allées et venues entre les tentes avaient tracé des sentiers qui menaient maintenant à des carrés d’herbe aplatie et jaunie ; des cercles noirs de charbon de bois marquaient l’emplacement des foyers ; là où des branches avaient été arrachées, des arbres montraient des cicatrices de bois clair et, ailleurs, des moignons pointaient vers le ciel comme s’ils avaient été rongés par un castor. Quelques déchets étaient éparpillés alentour, parmi lesquels un panier en lambeaux près de l’un des foyers et un tapis de couchage usé, devenu trop petit pour Jonlevar, abandonné au milieu d’une zone d’herbe aplatie où avait été dressée une tente. Des éclats et des pointes brisées de silex, des os et des épluchures de légumes épars jonchaient le sol, mais ils n’allaient pas tarder à se décomposer. Cependant, les grands massifs de roseaux et de lin des marais, quoique abondamment coupés, semblaient inchangés, de l’herbe verte allait bientôt recouvrir les parcelles jaunies et les cercles noircis des foyers, tandis que les arbres abattus laissaient de la place à de jeunes pousses. L’empreinte des humains était légère.

Ayla et Jondalar soupesèrent leurs outres et burent une rasade, puis Ayla éprouva le besoin de se vider la vessie avant de partir et fit le tour du bouquet d’arbres. S’ils avaient été pris par la neige en plein hiver, elle n’aurait pas hésité à se soulager dans un vase de nuit, même à la vue de tous.

Elle défit la lanière qui lui ceignait la taille et s’accroupit. En se relevant pour remonter sa culotte, elle eut la surprise de voir quatre hommes qui la regardaient. Elle était plus offensée qu’autre chose. Même s’ils étaient tombés sur elle par hasard, ils n’auraient pas dû rester là à la fixer des yeux. C’était très grossier. Puis elle remarqua certains détails : la saleté de leurs vêtements, leurs barbes peu soignées, leurs cheveux longs et poisseux et, surtout, leur air lubrique. Ce fut ce qui la mit en colère, alors qu’ils s’attendaient à ce qu’elle ait peur.

Peut-être aurait-elle dû.

— Vous n’avez donc pas la courtoisie de détourner le regard quand une femme urine ? dit-elle avec dédain en renouant la lanière autour de sa taille.

Sa remarque méprisante surprit les inconnus. D’abord parce qu’ils escomptaient qu’elle serait effrayée, ensuite parce qu’ils entendirent son accent. Ils en tirèrent des conclusions :

— C’est une étrangère. Probablement en visite. Il ne doit pas y avoir beaucoup de ses semblables dans les parages.

— Même s’il y en a, je n’en vois aucun, dit un autre avant de se diriger vers elle en la lorgnant.

Ayla se souvint soudain que, le jour où ils s’étaient arrêtés pour rendre visite aux Losadunaï, on leur avait appris qu’une bande de renégats harcelaient des femmes. Elle fit glisser sa fronde de sa tête et prit une pierre dans son sac, puis siffla Loup et les deux chevaux.

Les sifflements firent sursauter les quatre hommes, mais ce n’était que le début. Celui qui se dirigeait vers elle poussa un cri de douleur en recevant une pierre en pleine cuisse ; un deuxième galet atteignit un de ses comparses au bras et provoqua une réaction semblable. Tous deux portèrent la main au point d’impact.

— Comment, par l’enfer de la Mère, a-t-elle fait ça ? s’exclama le premier avec colère, avant d’ajouter, en regardant ses compagnons : Ne la laissons pas partir. Je veux la payer de retour.

Pendant ce temps-là, Ayla avait pris et armé son lance-sagaie avec lequel elle visait le premier homme. Une voix s’éleva, venant de l’autre côté du bouquet d’arbres :

— Estimez-vous heureux qu’elle n’ait pas pris vos têtes pour cible, sinon vous seriez déjà en train de parcourir le Monde d’Après. Elle vient de tuer une hyène avec une de ses pierres.

Les quatre hommes se retournèrent et se retrouvèrent face à un grand blond qui dirigeait vers eux un autre de ces curieux engins armés d’une longue sagaie. Il avait parlé dans la langue des Zelandonii, avec un accent lui aussi, pas le même que celui de la femme, mais il devait venir d’assez loin.

— Filons d’ici ! lança l’un des quatre en prenant ses jambes à son cou.

— Arrête-le, Loup ! ordonna Ayla.

Un gros loup qu’ils n’avaient pas vu prit soudain en chasse le fuyard. Il lui saisit la cheville entre ses crocs et le fit tomber, puis resta à côté de lui en grondant férocement.

— Quelqu’un d’autre a envie de se sauver ? demanda Jondalar, sarcastique.

Il toisa les quatre hommes et résuma brièvement la situation :

— Je subodore que vous avez causé pas mal de tracas par ici. Nous allons devoir vous conduire à la Caverne la plus proche pour voir ce qu’ils en pensent.

Loup à ses côtés, il leur confisqua leurs sagaies et leurs couteaux. Ils voulurent résister, peu habitués à ce qu’on les oblige à faire quoi que ce soit. Ayla lança à nouveau Loup sur eux. Ils se calmèrent aussitôt. Quand ils se mirent à avancer, Loup leur donna des petits coups de croc dans les talons en grondant. Encadrés par Ayla montée sur la jument louvette et Jondalar sur son étalon alezan brûlé, ils avaient peu de chances de s’échapper.

En cours de route, deux d’entre eux tentèrent toutefois de s’enfuir en courant dans des directions différentes. La sagaie de Jondalar frôla en sifflant l’oreille de celui qui semblait être le meneur et l’arrêta net. Une pierre expédiée par Ayla heurta l’autre dans le bas du dos, le déséquilibrant dans son élan et le faisant tomber.

— Nous ferions bien d’attacher ces deux-là ensemble par les mains, et peut-être aussi les deux autres, dit Jondalar. Apparemment, ils n’ont pas envie d’être confrontés aux habitants de la région.

Ils rentrèrent plus tard que prévu. Au couchant, le soleil embrasait le ciel d’une débauche de pourpres et de rouges profonds délavés quand ils arrivèrent à l’abri de pierre qu’habitait la Caverne.

— Ce sont eux ! s’écria une femme quand elle vit les quatre hommes. Ce sont eux qui m’ont violentée et qui ont tué mon compagnon quand il a essayé de les en empêcher. Ils ont pris nos provisions et nos tapis de couchage et m’ont laissée là. Je suis rentrée à la maison, mais j’étais enceinte et j’ai perdu le bébé.

— Comment les avez-vous rencontrés ? demanda Demoryn à Jondalar et Ayla.

— Au moment où nous nous apprêtions à partir, Ayla est allée se cacher derrière un bouquet d’arbres pour uriner, puis je l’ai entendue siffler Loup et les chevaux. Je suis allé voir ce qui n’allait pas et je l’ai trouvée qui tenait en respect ces quatre-là. À mon arrivée, deux d’entre eux massaient les bosses qu’elle leur avait faites avec sa fronde et elle avait son lance-sagaie armé et prêt à tirer.

— Des bosses ! C’est tout ? s’étonna Tivonan. Elle a tué une hyène avec ses pierres…

— Je ne voulais pas les tuer, seulement les arrêter, répondit Ayla.

— Lorsque nous sommes rentrés chez nous après notre Voyage, des jeunes gens semaient le trouble de l’autre côté du glacier, à l’ouest. Ils avaient violenté une jeune fille avant les Premiers Rites. Je me demandais si ces hommes n’en faisaient pas autant par ici, expliqua Jondalar.

— Ils ont fait bien davantage que semer le trouble et ils ne sont pas jeunes. Voilà des années qu’ils volent, violent et tuent, mais personne n’a jamais pu mettre la main sur eux, dit Syralana.

— La question est de savoir que faire d’eux, maintenant, dit Demoryn.

— Emmenez-les à la réunion des Zelandonia, suggéra la Première.

— Bonne idée, approuva Willamar.

— Mais vous devriez d’abord mieux les attacher. Ils ont déjà tenté de s’enfuir en venant ici. Je leur ai pris les sagaies et couteaux que j’ai pu trouver, mais il se peut qu’ils en aient d’autres. Et il faudrait que quelqu’un les surveille toute la nuit. Loup peut y aider, ajouta Ayla.

— Oui, tu as raison. Ce sont des hommes dangereux, dit Demoryn en retournant à l’abri. Les Zelandonia décideront ce qu’il convient d’en faire, mais il faut les empêcher de nuire, quoi qu’il en coûte.

— Tu te souviens d’Attaroa, Jondalar ? dit Ayla tandis qu’ils suivaient le chef de la Caverne.

— Je ne l’oublierai jamais. Elle a failli te tuer. Si Loup n’avait pas été là, elle l’aurait fait. Elle était brutale, je dirais même méchante. La plupart des gens sont convenables. Ils sont disposés à aider les autres, surtout s’ils ont des ennuis, mais il y en a toujours quelques-uns qui prennent ce qu’ils veulent, font du mal à autrui et semblent s’en moquer, répondit Jondalar.

— Je crois que Balderan prend plaisir à faire souffrir, dit Demoryn.

— C’est donc ainsi qu’il s’appelle ?

— Il a toujours eu mauvais caractère, reprit Demoryn. Même enfant, il aimait s’en prendre aux plus faibles que lui et, inévitablement, quelques garçons le suivaient et lui obéissaient.

— Pourquoi certains vont-ils avec des gens comme ça ? se demanda Ayla tout haut.

— Qui sait ? répondit Jondalar. Peut-être ont-ils peur d’eux et pensent-ils que s’ils se rangent de leur côté ils ne s’attaqueront pas à eux. À moins qu’ils ne soient de basse extraction et ne se sentent plus importants en faisant peur aux autres…

— Nous devons choisir des gens parmi nous pour les surveiller de près, dit Demoryn. Et monter la garde à tour de rôle afin de ne pas risquer de nous assoupir.

— Il faut aussi les fouiller une nouvelle fois. Peut-être ont-ils caché des couteaux avec lesquels ils pourraient couper leurs cordes et blesser quelqu’un, ajouta Ayla. Je prendrai mon tour de garde et, comme je l’ai dit, Loup pourra être utile. Il est très bon gardien. On a l’impression qu’il ne dort que d’un œil.

Ils les fouillèrent ; chacun avait caché sur lui au moins un couteau, dont ils prétendirent se servir uniquement pour manger. Demoryn avait songé à leur détacher les mains la nuit pour qu’ils dorment plus confortablement, mais la découverte des couteaux le fit changer d’avis. On leur apporta un repas et on les surveilla étroitement pendant qu’ils mangeaient. Ayla ramassa leurs couteaux quand ils eurent fini. Balderan essaya de ne pas se défaire du sien, mais un signal donné à Loup, qui se mit à gronder de manière menaçante, le décida à remettre l’instrument. En s’approchant de lui, Ayla vit qu’il bouillait de colère. Il arrivait à peine à se maîtriser. Il avait pu agir à sa guise presque toute sa vie, avait pris ce qu’il voulait en toute impunité, y compris la vie d’autrui. Il était maintenant physiquement contraint, forcé d’obéir, et il n’aimait pas ça.

 

 

Les visiteurs et la majeure partie de la Troisième Caverne Gardienne du Site Sacré le Plus Ancien suivirent vers l’amont une piste qui épousait les méandres de la rivière et avait creusé une gorge profonde dans le calcaire. Ayla remarqua que les membres de la Caverne locale échangeaient des regards et des sourires, comme s’ils partageaient un secret ou se préparaient à faire une surprise. Après une courbe serrée autour des hautes parois de la gorge, les visiteurs furent stupéfaits de voir au-dessus d’eux une arche de pierre, un pont naturel qui enjambait la rivière. Ceux qui ne l’avaient pas encore vue s’arrêtèrent, émerveillés par la formation rocheuse créée par la Grande Terre Mère. Ils n’avaient jamais rien vu de pareil.

— Cela a un nom ? s’enquit Ayla.

— Plusieurs, répondit Demoryn. Certains lui donnent celui de la Mère ou des Esprits du Monde d’Après. D’autres trouvent que cela ressemble à un mammouth. Nous l’appelons tout simplement l’Arche ou le Pont.

Quelque quatre cent mille ans plus tôt, une rivière souterraine avait creusé le calcaire et fini par ronger le carbonate de calcium de la roche, ouvrant cavernes et passages. Au fil du temps, le niveau de l’eau avait baissé, le sol avait été soulevé, et le conduit qui avait entamé la muraille de pierre était devenu une arche naturelle. La rivière actuelle franchissait ce qui avait été une barrière et était maintenant un pont, mais si haut qu’il était rarement utilisé. Nulle part ailleurs n’existait une formation rocheuse aussi impressionnante.

Le haut de l’arche était approximativement au même niveau que le sommet des falaises voisines, mais l’ancien canal avait aussi creusé des méandres plus près de la rivière maintenant en terrain plat. Pendant la saison humide, quand le niveau de l’eau était haut, les parois de la muraille calcaire restreignaient le flot et provoquaient une inondation, mais la plupart du temps le cours d’eau qui avait formé des cavernes et s’était frayé un chemin à travers la barrière calcaire était tranquille.

Le pré de forme circulaire qui se trouvait entre l’abri de pierre de la Première Caverne des Zelandonii Gardiens et le cours d’eau était entouré par les parois de la gorge. Dans la nuit des temps, il y avait eu là le méandre d’un bras mort dans l’ancien lit de la rivière. C’était maintenant une prairie où se mêlaient des herbes diverses, des buissons d’armoise aromatique et de l’ansérine, une plante à feuilles vertes comestibles ressemblant aux pieds palmés des canards et des oies qui sillonnaient les eaux de la rivière en été et porteuse d’une multitude de petites graines noires que l’on pouvait broyer entre des pierres, faire cuire et aussi manger.

Dans le fond du champ s’élevait un talus dont les cailloux coupants étaient mêlés à assez de terre pour alimenter les racines d’arbres des climats froids, pins, bouleaux et genévriers, souvent nanifiés. Au-dessus du champ, le vert sombre des arbres et arbustes qui poussaient sur la pente et le sommet de la falaise contrastait fortement avec le calcaire de celle-ci. Des buttes et des terrasses permettaient aux gens de se rassembler quand quelqu’un voulait communiquer une information à la communauté.

La Première Caverne des Zelandonii Gardiens du Site Sacré le Plus Ancien vivait sur une terrasse abritée par une saillie calcaire qui surplombait la zone inondable. Les Zelandonia tenaient leur réunion dans le pré en contrebas.

L’arrivée des visiteurs et des membres de la Troisième Caverne des Gardiens de la Caverne Sacrée fit sensation. Les Zelandonia avaient monté une sorte de pavillon, une grande tente partiellement ouverte sur les côtés ; elle protégeait du soleil et ses flancs arrêtaient le vent qui soufflait dans la gorge. L’un des acolytes avait vu la procession approcher et s’était précipité à l’intérieur, interrompant la réunion. Deux ou trois des principaux Zelandonia furent contrariés sur le moment, puis ils se tournèrent pour regarder les nouveaux arrivants et un frisson de peur les parcourut, qu’ils s’efforcèrent de dissimuler.

Montée sur Whinney, Ayla venait en tête. La Première lui avait demandé d’aller jusqu’à la tente où se tenait la réunion, ce qu’elle fit. Elle passa la jambe par-dessus l’encolure du cheval, se laissa glisser à terre et alla aider la Première à descendre du travois. Celle-ci avait une façon de marcher, ni rapide ni lente, qui témoignait d’une grande autorité. Les deux chefs méridionaux reconnurent immédiatement le symbolisme de ses tatouages faciaux, de sa tenue vestimentaire et de ses colliers ; ils avaient peine à croire que la Première parmi Ceux Qui Servaient la Grande Terre Mère soit venue à leur réunion. Ils l’avaient vue si peu souvent qu’elle était presque devenue un personnage mythique. Ils manifestaient un intérêt de pure forme à l’égard de son existence, estimaient faire partie des Zelandonia de plus haut rang et s’étaient même choisi une Première bien à eux. La voir de leurs propres yeux était impressionnant, mais son arrivée l’était plus encore. La maîtrise des chevaux était un fait sans précédent. Elle devait posséder des pouvoirs extraordinaires.

Ils s’approchèrent avec déférence, l’accueillirent les deux mains tendues et lui souhaitèrent la bienvenue. Elle leur rendit leurs salutations, puis entreprit de présenter plusieurs de ses compagnons et compagnes de voyage : Ayla et Jonokol, Willamar et Jondalar, les autres voyageurs et, enfin, les deux aides de Willamar et les enfants. Demoryn salua les deux plus importants des Zelandonia du cru, l’homme qui était le Zelandoni de sa Caverne et la femme qui était la Zelandoni de la Première Caverne des Gardiens du Site Sacré. Ayla avait demandé à Jonayla de maintenir Loup hors de vue, mais quand les présentations de rigueur furent finies elle et l’enfant le firent venir et elle lut à nouveau la surprise et la peur sur les visages. Après qu’ils eurent été persuadés de se laisser présenter au loup, leurs craintes diminuèrent malgré une certaine appréhension. Les membres de la Première Caverne étaient alors descendus de leurs habitations à flanc de falaise pour se rassembler dans le pré et Ayla fut contente que les présentations soient remises à plus tard.

Les quatre hommes qu’ils amenaient pour que les Zelandonia décident de leur sort avaient été maintenus à l’écart avec les gens de la Troisième Caverne de Gardiens jusqu’à la fin des formalités.

— Vous savez qui sont ces hommes qui ont causé tant d’ennuis, volé, violé et tué ? demanda Demoryn au Zelandoni de la Caverne.

— Oui, répondit son interlocuteur. Nous venons juste de parler d’eux.

— Eh bien, nous les avons avec nous, annonça Demoryn.

Il fit signe à ceux qui avaient été désignés pour les surveiller. On les fit avancer. La femme qui les avait accusés d’avoir tué son compagnon et de l’avoir violentée arriva aussi et désigna l’un d’eux :

— Celui-ci s’appelle Balderan. C’est le meneur.

Tous les Zelandonia regardèrent les quatre hommes, dont les mains étaient attachées ensemble. Ils remarquèrent leur allure négligée, mais la Zelandoni de la Première Caverne ne voulait pas les juger seulement sur les apparences.

— Comment sais-tu qui ils sont ? demanda-t-elle.

— Parce que c’est moi qu’ils ont violentée après avoir tué mon compagnon, répondit la femme.

— Et tu es ?

— Aremina, de la Troisième Caverne des Zelandonii Gardiens du Site Sacré le Plus Ancien.

— Elle dit vrai, confirma le Zelandoni de la Troisième Caverne des Gardiens. Elle était alors enceinte et a perdu son bébé.

Il se tourna vers Demoryn.

— Nous parlions d’eux et essayions de trouver le moyen de leur mettre la main dessus. Comment avez-vous fait pour les capturer ?

— Ils ont tenté d’agresser l’acolyte de la Première, répondit Demoryn, mais ils ignoraient qui elle est.

— Et comment s’y est-elle prise pour leur faire entendre raison ? s’enquit la Zelandoni de la Première Caverne des Gardiens.

— Pourquoi ne le lui expliques-tu pas ? dit Demoryn en s’adressant à Willamar.

— Je n’étais pas là et je ne peux donc que vous rapporter ce que l’on m’a raconté, mais je le crois. Je sais qu’Ayla est une excellente chasseresse, tant à la fronde qu’au lance-sagaie, arme qui a été conçue par Jondalar, son compagnon. C’est également elle qui se fait obéir du loup et des chevaux, bien que son compagnon et sa fille en soient aussi capables. Apparemment, ces hommes ont essayé de l’agresser, elle s’est contentée de leur faire des bosses en leur lançant des pierres alors qu’elle peut tuer avec sa fronde si elle le veut. Jondalar est alors arrivé avec son lance-sagaie. Lorsque l’un d’eux a tenté de s’enfuir, elle a envoyé le loup à ses trousses. Je les ai vus chasser ensemble. Ces hommes n’avaient aucune chance.

— Tous ces visiteurs se servent du lance-sagaie – Jondalar leur avait promis de leur montrer comment faire – et quand ils sont allés chasser, ils ont eu une chance insolente, poursuivit Demoryn. Chacun a abattu un bison. Ils en ont tué neuf. Cela fait beaucoup de viande, les bisons sont de gros animaux. C’est pourquoi nous vous apportons un important chargement de viande, pour votre Caverne et pour la réunion des Zelandonia.

« Quant à ces hommes, après les avoir appréhendés, nous n’avons trop su que faire d’eux. Aremina estime qu’on devrait les tuer, puisqu’ils ont tué son compagnon. Peut-être a-t-elle raison. Mais nous ne savions pas qui devrait les tuer ni comment procéder. Nous savons tous comment tuer les animaux que la Grande Mère nous a donnés pour vivre, mais la Mère n’admet pas que l’on tue les gens. Nous ne savions pas si c’était à nous de les tuer. Si nous le faisions, ou si nous ne le faisions pas correctement, cela risquerait de porter malheur à notre Caverne. Nous avons pensé que les Zelandonia devraient décider de l’attitude à adopter et nous vous les avons donc amenés.

— Cela a été sage de votre part, approuva la Première. C’est une chance que vous teniez une réunion et que vous tous puissiez en discuter et parvenir à une décision, ajouta-t-elle en se tournant vers les Zelandonia présents.

Elle est en train de leur faire savoir qu’elle n’entend pas exercer le pouvoir bien qu’elle soit la Première, pensa Ayla, mais qu’elle s’intéressera à ce qu’ils font.

— J’espère que tu resteras là et que tu nous prodigueras tes conseils, dit la Zelandoni de la Première Caverne des Gardiens du Site Sacré.

— Merci. J’en serai contente. Ce n’est pas un problème facile à résoudre. Nous sommes ici parce que j’emmène mon acolyte faire son Périple de Doniate. J’espère que quelqu’un pourra nous guider à travers votre Site Sacré. Je ne l’ai vu qu’une fois mais je ne l’ai jamais oublié. Il est non seulement le Plus Ancien, mais aussi d’une beauté incroyable, tant la caverne elle-même que les peintures des parois. Elles font honneur à la Grande Mère, conclut la Première d’une manière sentie qui exprimait sa conviction.

— Bien sûr. Nous avons une Gardienne sur place qui se fera un plaisir de vous guider. Voyons maintenant ces hommes.

Tandis qu’on faisait avancer les quatre prisonniers, ils essayèrent de résister, mais Loup les surveillait et quand Balderan tenta de regimber il le ramena à la raison en grondant et en lui donnant des petits coups de croc dans les chevilles et les jambes. Le malfaiteur bouillait manifestement de rage. Il détestait particulièrement l’homme et la femme étrangère capables de se faire obéir des chevaux et du loup et donc de lui. Pour la première fois de sa vie il avait peur, surtout de Loup. Il avait envie de tuer l’animal, qui avait tout autant envie de le tuer, lui. Le quadrupède savait que cet homme n’était pas pareil aux autres. Il était né avec un excès ou un manque de quelque chose qui le rendait différent et Loup savait de manière intuitive qu’il n’hésiterait pas à faire du mal à ceux qu’il aimait le plus.

Tous les membres des deux Cavernes ainsi que les Zelandonia voisins étaient maintenant rassemblés dans le pré au pied des falaises et l’arrivée des quatre prisonniers avait provoqué une grande agitation. Plusieurs personnes reconnurent Balderan :

— C’est lui ! cria une femme. Il m’a violée ! Les autres aussi !

— Ils m’ont volé de la viande que j’avais mise à sécher.

— Il a enlevé ma fille et l’a séquestrée pendant près d’une lune. Je ne sais pas ce qu’ils lui ont fait, mais elle n’a plus jamais été normale et elle est morte l’hiver suivant. À mon avis, il est responsable de sa mort.

Un quinquagénaire s’avança et parla :

— Je peux vous en apprendre sur lui. Il est né dans ma Caverne avant que je ne la quitte.

— J’aimerais entendre ce que cet homme a à dire, déclara la Première.

— Moi aussi, dit le Zelandoni de la Troisième Caverne des Gardiens.

— Balderan a eu pour mère une femme qui n’avait pas de compagnon. Au commencement, tout le monde a été content qu’elle ait un fils qui semblait solide et en bonne santé, un fils qui pourrait un jour contribuer au bien-être de la Caverne, mais, dès son plus jeune âge, il s’est montré incontrôlable. Il était fort et usait de sa force pour prendre ce qu’il voulait chaque fois qu’il le voulait. Au début, sa mère s’est excusée de son comportement. N’ayant pas de compagnon, elle espérait que son fils, qui devint vite un très bon chasseur parce qu’il aimait tuer, allait prendre soin d’elle dans sa vieillesse, mais elle constata qu’il ne prenait pas plus soin d’elle que de n’importe qui.

« Quand il arriva à la puberté, tous les gens de la Caverne étaient en colère contre lui et le craignaient. La mesure fut dépassée lorsqu’il prit des sagaies qu’un autre avait confectionnées. Quand celui-ci protesta et voulut les récupérer, Balderan le battit si sauvagement qu’il faillit en mourir. Il ne s’en est jamais tout à fait remis. C’est à ce moment-là que tout le monde s’est ligué et lui a demandé de s’en aller. Tous les hommes et la plupart des femmes se sont armés et l’ont chassé. Deux amis sont partis avec lui, des jeunes gens qui l’admiraient parce qu’il prenait ce qu’il voulait et refusait de travailler. L’un des deux est revenu avant la fin de l’été et a supplié qu’on le laisse reprendre sa place, mais Balderan a toujours réussi à se gagner des partisans.

« Il allait aux Réunions d’Été, s’installait dans une lointaine et mettait au défi des jeunes gens d’accomplir des actes téméraires pour prouver leur virilité. Il maltraitait toujours ceux qui semblaient faibles ou peureux, et quand il repartait il avait toujours quelques nouveaux partisans, séduits par son mauvais côté. Ils harcelaient de nouvelles Cavernes jusqu’à ce que leurs membres s’unissent pour les rechercher. Balderan et ses amis allaient alors plus loin et trouvaient d’autres Cavernes, et ils recommençaient à voler de la nourriture, des vêtements, des outils, des armes, et bientôt à violer des femmes.

Balderan ricana pendant ce récit. Peu lui importait ce qu’on disait de lui. Tout était vrai, mais il ne s’était encore jamais fait prendre et il n’appréciait pas du tout. Ayla l’observait attentivement et vit qu’il était fou de colère ; elle sentait sa peur et sa haine et était certaine que Loup les sentait aussi. Elle savait que si Balderan tentait de lui faire du mal, à elle, ou à Jonayla, Jondalar ou quiconque voyageait avec eux, Loup le tuerait. Elle savait que si elle donnait à Loup le signal de tuer cet homme, il le ferait et que tout le monde en serait sans doute content. Mais elle ne voulait pas que Loup s’en charge, car il aurait alors et pour toujours une réputation de tueur. Lorsqu’on raconte une histoire, elle a tendance à prendre des proportions excessives. Personne n’ignorait que les loups étaient capables de tuer. Elle voulait seulement qu’on raconte que Loup avait aidé à capturer cet individu et l’avait surveillé sans le tuer. C’était aux gens de décider eux-mêmes du sort de Balderan, et elle était curieuse de voir ce qu’ils allaient faire.

Ses trois compagnons n’étaient pas en colère, seulement effrayés. Ils savaient bien ce qu’ils avaient fait et il y avait ici assez de gens qui le savaient aussi. Celui qui se trouvait près de Balderan pensait à sa fâcheuse situation. Il avait toujours semblé facile de le suivre, de l’aider à prendre ce qu’il voulait et de faire peur aux gens. Bien entendu, Balderan lui faisait peur à lui aussi, parfois, mais voir les autres le craindre lui donnait un sentiment d’importance. Lorsqu’ils voyaient que ceux qui se lançaient à leurs trousses étaient déterminés, ils agissaient avec promptitude et parvenaient toujours à s’en sortir. Ils étaient persuadés qu’ils ne se feraient jamais prendre, mais l’étrangère avait bouleversé tout cela, avec ses armes et ses bêtes.

Nul doute que c’était une Zelandoni et ils n’auraient jamais dû s’en prendre à Une Qui Sert la Mère. Mais comment auraient-ils pu le deviner ? Elle n’était même pas tatouée. On disait qu’elle était un acolyte, mais un acolyte de la Première ? Balderan ignorait que la Première existait réellement. Il pensait que ce n’étaient que des histoires, comme les Légendes Anciennes. Et maintenant la plus puissante Zelandoni du monde était là avec son acolyte, qui exerçait un pouvoir magique sur les animaux et l’avait capturé. Qu’allaient-ils faire de lui ?

Comme s’il avait lu dans ses pensées, l’un des Zelandonia dit :

— Maintenant qu’ils sont là, qu’allons-nous faire d’eux ?

— Pour l’instant, nous devons les nourrir, trouver un endroit où les garder, et les faire surveiller jusqu’à ce qu’une décision ait été prise, répondit la Première avant de se tourner vers la Zelandoni de la Première Caverne des Gardiens du Site Sacré. Et peut-être devons-nous nous partager cette viande de bison…

Elle sourit à la femme pour lui faire savoir qu’elle lui avait délégué l’autorité, comme si elle avait su qu’elle était la Première de cette région, bien que personne ne le lui ait dit. La Zelandoni appela plusieurs personnes par leur nom et laissa aux chefs des deux Cavernes la responsabilité de décider comment procéder au partage de la viande tout en chargeant plusieurs autres Zelandonia de superviser le travail de dépouillement et de débit des animaux. Certains avaient déjà été dépouillés et on commençait à détailler la viande pour le repas du soir. D’autres emmenèrent Balderan et ses hommes vers la falaise.

Ayla siffla Loup et alla aider Jondalar à dételer les travois. Elle avait repéré un joli herbage un peu à l’écart et se demandait si elle pouvait y mener paître les chevaux. Elle posa d’abord la question à Demoryn, le chef de la Caverne d’Amelana.

— Nous n’avons pas eu de Réunion d’Été ici cette année et je pense donc que le pré n’a pas été piétiné, mais pour t’en assurer tu ferais bien d’interroger Zelandoni Première.

— Zelandoni Première ? Tu veux dire de la Première Caverne des Gardiens ?

— Oui, mais ce n’est pas pour cela qu’on l’appelle Zelandoni Première. C’est parce qu’elle est notre Première. C’est par hasard qu’elle se trouve être la Zelandoni de cette Caverne. À propos, je devrais aussi lui dire que j’ai envoyé un messager annoncer à une ou deux autres Cavernes que Balderan a été pris. Elles ont eu à se plaindre de lui plus que la plupart. Il se peut qu’elles envoient quelques-uns de leurs gens.

Ayla fronça les sourcils et se demanda combien d’autres Cavernes allaient faire de même. Peut-être devrait-elle chercher un endroit plus à l’écart ou élever un enclos pour les chevaux, comme elle l’avait fait à leurs Réunions d’Été. Elle décida d’en parler à Jondalar après s’être entretenue avec Zelandoni Première.

Ayla et Jondalar en touchèrent un mot aux autres voyageurs et ils décidèrent de se mettre à la recherche d’un endroit bien choisi pour dresser leur camp, comme le faisaient la plupart des Cavernes lorsqu’elles arrivaient tôt à une Réunion d’Été. La Première admit qu’Ayla avait une bonne intuition en pensant qu’il viendrait beaucoup de monde.

 

 

Ce soir-là, bien que les repas aient été préparés par les familles ou les groupes qui normalement les prenaient en commun, tous s’installèrent ensemble comme pour un festin. On apporta de la nourriture à Balderan et à ses complices et on leur détacha les mains pour qu’ils puissent manger. Ils parlèrent entre eux à voix basse pendant le repas. Plusieurs personnes les surveillaient, mais il est difficile de rester vigilant quand il n’y a rien d’autre à regarder que des hommes en train de manger. La nuit tombait à mesure que se déroulait le repas et ceux qui ne se connaissaient pas avaient envie de tisser des liens.

Ayla et Jondalar laissèrent Loup avec Jonayla pour qu’il se repose après avoir monté la garde et ils se dirigèrent vers l’habitation des Zelandonia. La Première y était venue pour parler d’une visite de la Caverne Sacrée réservée à Ayla, Jonokol et quelques autres, une deuxième visite moins complète étant prévue pour les autres visiteurs, hormis les enfants.

Dans l’obscurité ils ne remarquèrent pas que les prisonniers les observaient. Balderan avait suivi du regard le grand compagnon de la femme acolyte et, à leur approche, il parla à ses hommes :

— Nous devons filer d’ici, dit-il, sinon nos jours sont comptés.

— Mais comment ? demanda l’un.

— Nous devons nous débarrasser de cette femme qui se fait obéir du loup.

— Le loup ne nous laissera pas nous approcher d’elle.

— Seulement s’il est dans les parages. Il ne l’accompagne pas toujours. Il reste parfois auprès de la fillette.

— Et cet homme qui est toujours avec elle ? Le visiteur avec lequel elle est arrivée. Il est grand et fort.

— J’ai connu des hommes comme lui, grands et musclés, mais trop calmes et trop débonnaires. L’avez-vous déjà vu en colère ? C’est un de ces gentils géants qui ont si peur de faire du mal à quelqu’un qu’ils évitent même les disputes. Si nous sommes rapides, nous pouvons nous emparer d’elle avant qu’il ne réagisse et menacer de la tuer s’il fait un geste. Je ne crois pas qu’il courra le risque de la mettre en danger. Le temps qu’il y réfléchisse, il sera trop tard. Nous aurons disparu, et elle avec nous.

— Avec quoi vas-tu la menacer ? Ils nous ont pris nos couteaux.

Balderan sourit, puis défit le lacet de cuir qui fermait sa chemise.

— Avec ça, dit-il en tirant le lacet hors de ses œillets. Je le lui passerai autour du cou.

— Et si ça ne marche pas ? demanda un autre.

— Nous n’avons rien à perdre.

 

 

Le lendemain, l’une des autres Cavernes de la région arriva, et dans la soirée deux autres encore. La Première vint voir Ayla le matin suivant. Jondalar sortit pour les laisser parler seule à seule.

— Nous allons devoir réfléchir aux mesures à prendre à l’encontre de ces hommes.

— Pourquoi aurions-nous à le faire ? demanda Ayla. Nous ne vivons pas ici.

— Mais c’est toi qui les as capturés. Que tu le veuilles ou non, tu es mêlée à tout cela. Peut-être est-ce la Mère qui l’a voulu, ajouta la Première.

Ayla lui lança un regard sceptique.

— Enfin, peut-être pas la Mère, mais les gens d’ici. Et je crois que c’est bien ainsi. Par ailleurs, nous devons leur parler de notre visite à leur Site Sacré. Tu vas être enchantée par cette grotte. Je l’ai déjà vue une fois et je veux y retourner. Il y a quelques passages difficiles, mais je n’aurai plus jamais l’occasion de la voir et je ne tiens pas à manquer celle-ci.

Cela intrigua Ayla et éveilla sa curiosité. Toutes ces marches au cours du Voyage semblaient avoir amélioré la santé de la Première, mais elle avait toujours besoin d’aide lorsqu’ils arrivaient en terrain difficile. Malgré tout cet exercice physique, elle était plus que replète. Elle portait son poids avec grâce et assurance, et s’il ajoutait à sa stature à bien des égards, il ne facilitait pas ses déplacements dans les endroits resserrés au sol inégal.

— Tu as raison, Zelandoni, mais je ne veux pas prendre de décision concernant Balderan, dit Ayla. Je ne crois pas que ce soit mon rôle.

— Tu n’as pas à en prendre. Nous savons tous ce qu’il convient de faire. Cet homme doit mourir. Sinon, il tuera d’autres gens. La question est de savoir qui se chargera de l’exécuter et de quelle manière. Tuer quelqu’un délibérément n’est pas aisé pour la plupart des gens et ne doit pas l’être. C’est pourquoi nous savons qu’il a un fond méchant, lui ignore cette vérité et, pour cette raison, je suis contente que toutes ces Cavernes se réunissent. Il est nécessaire que tous participent. Je ne veux pas dire que tous doivent le tuer, mais ils doivent en assumer la responsabilité. Et tous doivent savoir que c’est ce qu’il y a à faire de juste dans le cas présent. On ne devrait pas tuer sous l’empire de la colère ou par vengeance. Il est d’autres manières de procéder. Il n’y a pas d’autre solution en ce qui le concerne, mais quel est le meilleur moyen à adopter ?

Toutes deux gardèrent le silence.

— Il existe des plantes… dit Ayla au bout d’un moment.

— J’allais dire des champignons. On pourrait leur servir un repas à base de certains champignons.

— Et s’ils se méfient et décident de ne pas y toucher ? Tout le monde connaît l’existence des champignons vénéneux. Ils sont faciles à repérer et à éviter, fit remarquer Ayla.

— C’est vrai et si Balderan n’est pas bon, il n’est pas sot pour autant. À quelles plantes pensais-tu ?

— À deux qu’on trouve par ici ; je le sais parce que j’en ai vu. L’une est la berle à larges feuilles. Elle pousse dans l’eau. Elle est comestible, surtout les racines quand elles sont jeunes et tendres. Mais une autre plante, qui lui ressemble beaucoup, est mortelle. Je connais son nom en mamutoï. J’ignore comment vous l’appelez ici, mais je sais la reconnaître.

— Je connais cette plante. C’est la ciguë. Elle aussi pousse dans l’eau. Le même repas pourrait donc être préparé pour tout le Camp, tout le monde mangerait de la berle, sauf Balderan et ses hommes, qui auraient droit à la ciguë, réfléchit tout haut la Première avant d’ajouter : Je pensais à une chose : on pourrait leur servir aussi des champignons, des champignons comestibles. Peut-être croiraient-ils qu’ils sont vénéneux, les éviteraient-ils et ne feraient-ils pas attention aux légumes racines parce que, apparemment, tout le monde en mangerait.

— Cela me semble être une bonne solution, à moins que quelqu’un n’ait une meilleure idée, dit Ayla.

Son interlocutrice se tut à nouveau pour réfléchir, puis hocha la tête.

— Très bien, nous avons un plan, dit la Zelandoni Qui Était la Première. C’est toujours bon de prévoir.

Lorsque les deux femmes sortirent de la tente, il n’y avait personne dehors. Leurs compagnons de voyage étaient allés voir ce qui se passait à cette Réunion d’Été improvisée et proposer leur aide pour la préparation des repas. Pour une réunion destinée à juger des crimes.

D’autres gens arrivaient et le pré en contrebas de la falaise était peu à peu envahi. Mais la plus grosse surprise survint en fin d’après-midi. Ayla et la Première se trouvaient dans l’habitation des Zelandonia quand Jonayla arriva en courant et interrompit la réunion.

— Mère, mère, dit-elle, Kimeran m’a dit de venir te dire quelque chose…

— Me dire quoi, Jonayla ? répondit Ayla d’un ton sévère.

— La famille de Beladora est ici. Et quelqu’un d’étrange l’accompagne.

— La famille de Beladora ? Ce ne sont même pas des Zelandonii, mais des Giornadonii. Ils habitent loin, comment ont-ils pu arriver ici en un jour ou deux ? s’étonna Ayla avant de se tourner vers les autres : Je crois que je dois y aller.

— Je viens avec toi, dit la Première. Veuillez nous excuser.

— Ils n’habitent pas si loin que ça, observa Zelandoni Première en les accompagnant à la porte, et ils viennent souvent nous rendre visite. Tous les deux ans environ. Je crois qu’ils sont autant zelandonii que giornadonii, mais je ne sais s’ils sont venus à cause des messagers qui ont été envoyés. Ils prévoyaient sans doute de nous rendre visite de toute façon. Ils ont probablement été aussi surpris de trouver là leur parente qu’elle l’aura été de les voir.

Kimeran passait là et avait entendu Zelandoni Première.

— Ce n’est pas tout à fait exact, dit-il. Ils sont allés à la Réunion d’Été des Giornadonii, puis ont décidé d’assister à la vôtre et ils prévoyaient de venir ici ensuite. Ils étaient au Camp d’Été quand le messager leur a annoncé que nous étions ici. Ils ont su aussi que Balderan avait été capturé. Saviez-vous qu’il avait semé le trouble dans des Cavernes de Giornadonii ? Y a-t-il quelqu’un à qui il n’ait pas nui ?

— Une réunion va se tenir bientôt à ce propos, dit Zelandoni Première. Nous devons parvenir à une décision et vite.

Comme si cela lui était venu après coup, elle ajouta :

— Tu as dit qu’il y avait une personne bizarre avec eux ?

— Oui, mais vous allez voir par vous-mêmes.

Les présentations rituelles furent faites entre Ayla, la Première et les parents de Beladora, puis la Première demanda s’ils avaient déjà dressé leur camp.

— Non, nous venons d’arriver, répondit une femme qui se présenta comme étant Ginedora, la mère de Beladora.

Elles s’en seraient doutées, car elle en était la copie conforme, en plus âgée et légèrement plus replète.

— Il me semble qu’il y a de la place près de notre campement, dit la Première. Pourquoi n’allez-vous pas en prendre possession avant que quelqu’un d’autre ne le fasse ?

— Venez faire la connaissance de votre grand-mère, dit Beladora à ses enfants.

— Tu as eu des nés-ensemble ? Ce sont les tiens tous les deux ? Et en bonne santé ? demanda Ginedora.

Beladora hocha la tête.

— C’est merveilleux !

— Voici Gioneran, dit la jeune mère en levant la main du garçonnet de cinq ans aux cheveux châtain foncé et aux yeux marron-vert comme les siens.

— Il sera grand, comme Kimeran, remarqua Ginedora.

— Et voici Ginedela, dit Beladora en levant la main de sa blonde fille.

— Elle a les mêmes yeux et les mêmes cheveux que son père et c’est une beauté. Ils sont timides ?

— Allez saluer votre grand-mère. Nous avons fait une longue route pour la rencontrer, dit Beladora en les poussant en avant.

Ginedora s’agenouilla et ouvrit les bras. Ses yeux étaient brillants de larmes. Un peu à contrecœur, les deux enfants l’étreignirent rapidement. Elle en prit un dans chaque bras et une larme roula sur sa joue.

— J’ignorais que j’avais des petits-enfants, dit-elle. C’est l’inconvénient, quand on habite si loin. Combien de temps allez-vous rester ici ?

— Nous ne le savons pas encore, répondit Beladora.

— Allez-vous venir à notre Caverne ?

— Nous avons l’intention de le faire.

— J’espère que vous ne resterez pas seulement quelques jours. Vous êtes venus de si loin, revenez avec nous et restez le temps qu’il vous plaira.

— Nous devons y réfléchir. Kimeran est l’Homme Qui Commande notre Caverne. Il lui sera difficile de s’absenter longtemps.

Quand elle vit que sa mère avait à nouveau les larmes aux yeux, elle ajouta :

— Mais nous allons y réfléchir.

Ayla jeta un coup d’œil aux gens qui commençaient à dresser le camp. Elle remarqua un homme qui portait quelqu’un sur ses épaules. Il se pencha et l’aida à descendre. Elle crut d’abord que c’était un enfant, puis elle regarda mieux. C’était un homme de petite taille, les bras et les jambes trop courts. Elle tapota le bras de la Première et le lui montra du menton.

— Pas étonnant que la mère de Beladora semble si soulagée que les enfants de sa fille, nés en même temps, soient normaux. Cet homme est un accident de la nature. Comme certains arbres dont la croissance est retardée, je crois que c’est un nain, dit-elle.

— J’aimerais bien faire sa connaissance, pour en savoir plus. Mais ce serait comme le dévisager et j’imagine que cet homme est trop souvent objet de curiosité, dit Ayla.

Le Pays Des Grottes Sacrées
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